Simple goulot de bouteille que les guitaristes mettaient à
l’auriculaire pour le faire glisser sur les cordes, le bottleneck a été l’un
des effets spéciaux les plus caractéristiques du blues, créant notamment ce son
pathétique que l’on retrouve dans les chefs d’œuvres du genre, qu’ils soient
signés Tampa Red, Robert Nighthawk, Muddy Waters ou Elmore James.
Au fil des ans, le bottleneck a considérablement
évolué : il s’agit désormais d’un objet de métal connu sous le nom de
« slide ».Vraisemblablement inspires par les joueurs de guitare
hawaïenne qui jouaient assis et qui se servaient d’un tel objet, les musiciens
de blues semblent depuis toujours avoir recouru au bottleneck, qui avait le
précieux avantage de mettre en valeur les blue notes. Les enregistrements de
Tampa Red à la fin des années vingt(et notamment Seminole Blues)et ceux de Son
House effectues par Alan Lomax pour la librairie du congrès au tout début des
années quarante en sont les exemples les plus révélateurs.
Ces deux musiciens ont sans doute pour beaucoup incité les
bluesmen modernes à se servir d’un « slide ».C’est le cas de Muddy
Waters, de Howlin Wolf et naturellement d’Elmore James. Celui ci s’est
toutefois distingué des bluesmen que nous venons de citer en se servant de
l’objet métallique à des fins essentiellement rythmiques. Alors que Tampa
Red, ; Son House ou Muddy Waters utilisaient le bottleneck pour les
solos(dons note après notes),le créateur de Dust my Broom jouait quand à lui en
accords(ce qui ne l’empêchait pas d’assurer les solos),façon de jouer qui
devait influencer des guitaristes comme Houd Dog Taylor et Homesick James …Dans
la mesure ou le blues se trouve à l’origine du mouvement rock ,nombres de
guitaristes à partir des années soixante ont enfilé à leur doigt cet efficace
objet ,ainsi Eric Clapton , Keith Richards , Johnny Winter et Ry Cooder
,compositeur de la bande originale de Paris Texas de Wim Wenders.
Aujourd’hui alors que instruments et les
« effets » ultra sophistiqués tels que les synthés, les boites à
rythmes et les séquenceurs ont envahi les studios, le bottleneck est toujours
employé : on peut même l’entendre dans l’album d’Alain Bashung « Osez
Joséphine », enregistré en 1991 !
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Un spécialiste du "Slide"
Robert Nighthawk
Moins célèbre que les musiciens qui devaient se réclamer de lui,à commencer par Elmore James,Muddy Waters et Earl Hooker,Robert Nighthawk est pourtant un personnage essentiel du Blues. Non seulement parce que sa façon de "faire pleurer" sa guitare en se servant d'un bottleneck a été adoptée par bien des guitaristes,mais encore parce qu'il est l'un des tout premiers artistes à avoir fait connaître le blues du Delta dans le Southside.Ses titres enregistrés pour Bluebird puis pour Chess,notamment avec Willie Dixon,sont superbes. Il suffit de citer Annie Lee, Bricks in my Pillow,The Moon is Rising, Sweet Black Angel, US Boogie et surtout Prowling Nighthawk pour s'en convaincre. De son vrai nom Robert Lee McCollum (il prendra ensuite le nom de sa mère, Mc Coy , puis le surnom de Nighthawk après l'enregistrement de Prowling Nighthawk en 1937) , Robert Nighthawk est né à Helena , Arkansas, le 30 novembre 1909 . Bluesman influencé par Robert Johnson et Houston Stackhouse, il mène dès le milieu des années vingt la vie d'un "hobo" , c'est à dire d'un artiste itinérant . Jusqu'au début des années trente , on le verra ainsi à Memphis, Jackson, Vickburg, Saint Louis, jouant successivement avec le Memphis Jug Band de Will Shade, Houston Stackhouse, john Lee Hooker et Jimmie Rogers. Sur les conseils avisés de John Lee Sonny Boy Williamson, Robert Nighthawk arrive à Chicago à la fin des années trente . A l'exception du déja nommé Prowling Nighthawk , ses enregistrement pour Bluebird ne connaîtront guère de succès , ce qui l'incitera à retourner dans le sud . Mais pour quelques années seulement : après avoir participé à différentes émissions radiophoniques, il retournera en effet à Chicago au début des années quarante, pour jouer son blues, profond et solennel, dans les clubs du Southside, puis pour enregistrer dans les studios d'Aristocrat quelques années plus tard- Aristocrat qui sera bientot rebaptisé Chess. Là encore, le succès ne sera pas à la hauteur des espérences du bluesman, alors qu'il était pourtant en train de tracer la voie aux futurs " monstres sacrés " du blues moderne. De retour dans le sud. Robert Nighthawk participera à la célèbre émission " King Biscuit Time " sur la station KFFA d'Helena de 1965 à 1967, puis il enregistrera avec Houston Stackhouse . ce seront ses derniers hauts faits pourle blues. Il mourra d'une crise cardiaque à l'hopital d'Héléna , le 5 novembre 1967.