Au
début des années soixante, la jeunesse étudiante et les milieux progressistes
américains vont se prendre de passion pour les représentants du Country Blues.
Jusqu'à
Bob Dylan qui s’inspirera de Bukka White et de Blind Lemon Jefferson.
La
consécration après la traversée du désert !
A l’exemple de l’intelligentsia new-yorkaise des années
quarante et cinquante qui avait pris comme modèles Leadbelly, Josh White
ouSonny Terry & Brownie McGhee, la
jeunesse progressiste des années soixante a porté toute son attention sur les
vieux bluesmen de l’avent guerre. Les plus créatifs, comme Bob Dylan, se sont
inspirés de ces maîtres du passé en reprenant des compositions de Bukka White
et de Blind Lemon Jefferson ; d’autres sont partis à la recherche de leurs
idoles. On savait que certains comme Robert Johnson ou Charley Patton avaient
disparu depuis longtemps , mais on pouvait imaginer que quelques-uns
étaient encore vivants. C’est ainsi que Mississipi John Hurt fut redécouvert à
Avalon, le village du Mississipi dont il avait chanté les mérites en 1928, et
que Son House fut localisé par une équipe de jeunes fans dans l’état de New
York après une course poursuite extravagante.
Le hasard de ces chasses à l’homme un peu particulières
devait également permettre de découvrir des bluesmen remarquables dont on ne
soupçonnait pas l’existence. Les trois artistes les plus célèbres dans cette
catégorie sont sûrement Mance Lipscomb au Texas, Robert Pete Williams en
Louisiane et Fred McDowell dans le Mississipi.
Né dans le Tennessee en 1904, McDowell a vécu la majeure
partie de son existence adulte à Como, une bourgade du delta du Mississipi
située sur la highway 51 au sud de Memphis. A l’inverse d’un Johnny Shines qui
avait fait de la musique sa profession, McDowell était avant tout un fermier
qui se contentait de faire danser ses voisins le samedi soir au son d’une
guitare empruntée ici ou là. Cela explique sans doute le fait qu’il ait échappé
à la sagacité des « talents scouts » qui sillonnait le Sud avant la
grande dépréssion des années trente. Découvert par le musicologue Alan Lomax en
1959, McDowell est devenu l’un des grands héros du Folk Blues Revival qui a
marqué les sixties. Jusqu’à sa mort en 1972, il a mené une carrière très active
dans les clubs et sur les campus américains. Au cours de la même période, il a
effectué deux tournées européennes en 1965 et 1969, et enregistré de très
nombreux albums pour Arhoolie, Testament, Revival, Transatlantic et Capitol. La
reprise de l’une de ses pièces favorites, You Got to Move, par les Rolling
Stones en 1971, en plus de la notoriété, lui a permis de réaliser le rêve de sa
vie en achetant une station service à Como. Ses enregistrements montrent que
McDowell était un chanteur prenant à la voix mélancolique, mais surtout un
guitariste brillant, grand spécialiste du bottleneck. C’est de ce style que
Robert Pete Williams va hériter.